TRADUCTION | Le captif racheté | Retour vers la Terre promise

Dans le cadre d’un cours de Traduction littéraire à Concordia, j’ai traduit la première partie de «The Redeemed Captive Returning to Zion» .

«The Redeemed Captive Returning to Zion» de John Williams  rédigé en 1707 a été réédité plusieurs fois. Une réimpression de l’édition de 1853 est actuellement en circulation. Ce récit nous ramène en 1704 alors que le petit village frontalier de Deerfield au Massachusetts est attaqué par des Amérindiens et des Français dans le cadre des guerres coloniales. Une centaine de villageois de ce village sont capturés et feront à pied un trajet d’environ 400 km vers la Nouvelle-France. Plusieurs des captifs seront rachetés et retourneront quelques années plus tard en Nouvelle-Angleterre, mais beaucoup demeureront au pays s’intégrant à la société canadienne.

L’auteur joue sur plusieurs plans. Il y a un récit factuel, des paysages, des gens qui y sont présentés, mais il y a aussi une interprétation de ce qui se passe notamment.

Ce récit est rédigé d’une manière chronologique avec des retours en arrière où l’auteur a pris la peine d’inclure un poème. Elle est aussi non-univoque car elle joue sur plusieurs plans. Elle peut être lue pour son témoignage historique, mais aussi pour son message spirituel. Les descriptions sur les us et coutumes des Amérindiens et des Canadiens, sur leurs méthodes de chasse et sur l’environnement sont des textes naturalistes.

Cette œuvre est intemporelle. L’ouvrage est reconnu comme faisant partie de la première forme de littérature américaine: «Williams’ narrative was repeatedly reprinted, exposing subsequent generations of readers to the story of the raid and becoming a classic of early American literature in the pocess» écrivent  Haefeli et Sweeney dans Captors and Captives.

Des valeurs universelles y sont très présentes. The Redeemed Captive  fait état du choc des cultures (anglaise, française et amérindienne). Des valeurs morales fortes sont aussi véhiculées (attitude face à la souffrance).

C’est l’histoire de l’ancêtre d’Éliane, ma conjointe  Sarah Allan qui faisait partie du groupe. Elle avait 12 ans quand elle avait été enlevée à Deerfield en 1704.

Cette histoire ressemble beaucoup à celle de mon ancêtre Katherine Stevens qui avait été enlevée, elle aussi à 12 ans, à Pemaquid (près de Freeport dans le Maine) en 1689 par le le Baron de Saint-Castin et d’Iberville (Serge Bouchard a raconté l’histoire du Baron dans sa série Les remarquables oubliés) . D’ailleurs il semble que le jeune frère de Katharine Stevens, Andrew Stevens (surnommé l’Indien sans doute parce qu’ils avaient habité chez les Indiens jusqu’à leur majorité ), qui avait été enlevé en même temps que sa soeur, ait été à Deerfield lors de l’attaque. Il y aurait trouvé la mort…

 


Le captif racheté
Retour vers la Terre promise

Le mardi 29 février 1703/1704, un peu avant l’aurore, l’ennemi a déferlé sur nous comme une vague; la garde n’a pas été digne de confiance – une calamité, aux terribles conséquences qu’auraient pu éviter nos gardes lors de l’attaque-surprise de notre fort afin que notre sang n’ait pas à rejaillir sur eux.

Ils sont arrivés à ma maison dès le début de l’offensive faisant de violents efforts pour forcer portes et fenêtres, avec haches et hachettes, me réveillant; j’ai sauté du lit et, courant vers la porte, j’ai constaté l’intrusion d’ennemis dans la maison. J’ai crié pour alerter les deux soldats qui dormaient dans une chambre , puis, alors que je retournais à mon lit prendre une arme, l’ennemi est entré à ce moment même dans la pièce; si je me souviens bien, ils étaient une vingtaine, les visages peints, lançant des cris horribles.

J’ai tendu la main vers la tête de lit pour prendre mon pistolet, faisant monter vers Dieu une courte prière, demandant sa grâce éternelle pour moi et les miens, à cause des mérites de Notre Rédempteur glorifié; entrevoyant le présent passage dans la vallée de l’ombre de la mort; je me disais en moi-même, comme dans Ésaie, chapitre 38, versets 10 et 11, « quand mes jours sont en repos, je dois m’en aller aux portes du séjour des morts. Je suis privé du reste de mes années! Je disais : je ne verrai plus l’Éternel, L’Éternel, sur la terre des vivants; je ne verrai plus aucun homme parmi les habitants du monde! »

Saisissant mon pistolet, je l’ai armé, puis je l’ai appuyé sur la poitrine du premier Indien que j’ai vu; le pistolet n’a pas fait feu; trois Indiens m’ont encerclé puis désarmé et ligoté, nu dans une chemise de nuit, puis je me suis tenu là debout pendant près d’une heure.

Lorsqu’ils m’ont attaché, ils m’ont dit qu’ils m’emmèneraient à Québec.

Le fait que mon pistolet se soit enrayé m’a sauvé la vie; en effet, j’ai compris qu’il m’avait été profitable que mes propres désirs soient crucifiés. Le jugement de Dieu est tombé rapidement sur l’un des trois hommes qui m’avaient capturé; le capitaine, au lever du soleil, a été atteint mortellement d’une balle tirée de la maison voisine; un très grand nombre de Français et d’Indiens – ils étaient environ 300 – s’opposaient à pas plus de sept hommes dans une maison non fortifiée.

Je ne peux cacher ma préoccupation extrême pour ma chère épouse, qui venait d’accoucher quelques semaines auparavant, de même que pour mes pauvres enfants, ma famille et mes voisins chrétiens.

L’ennemi ayant échoué dans l’attaque de la maison voisine, un grand nombre d’entre eux est entré dans toutes les pièces de ma maison. J’ai imploré Dieu de se souvenir de ses compassions au milieu du jugement; de ce qu’il retienne leur colère afin d’éviter notre assassinat; qu’il nous donne la grâce de glorifier son nom que ce soit dans notre vie ou par notre mort; et, avec la force que je disposais, je réitérais notre engagement envers Dieu.

Les ennemis qui sont entrés dans la maison étaient tous Indiens et Macquas, ils m’insultaient en balançant leurs hachettes au dessus de ma tête, me menaçant de brûler tout ce que je possédais; mais Dieu, au-delà de mes espérances, a permis que je sois épargné; certains d’entre eux étaient si cruels et barbares qu’ils ont amené sur le seuil de la porte deux de mes enfants de même qu’une femme noire pour les assassiner; par la suite, m’ayant délié ils m’ont permis de m’habiller, conservant un bras ligoté; je pouvais passer mes vêtements du côté opposé; ils m’ont laissé ainsi m’habiller puis ils m’ont ligoté à nouveau. Ils ont permis à ma chère épouse de s’habiller et de vêtir nos enfants survivants.

Environ une heure après le lever du soleil, nous avons été emmenés à l’extérieur, pour une marche, et avons vu plusieurs maisons de nos voisins en feu constatant que le fort tout entier, à l’exception d’une seule maison, avait été pris.

Qui peut comprendre les douleurs qui ont transpercé nos cœurs, lorsque nous nous sommes vus nous éloigner du sanctuaire de Dieu pour aller vers une Terre étrangère, exposés à de multiples épreuves; un périple d’au moins cinq cents kilomètres venait de commencer; la neige aux genoux, nous n’étions pas accoutumés à tant de difficultés et de fatigue; l’endroit où nous allions, un pays papiste.

Lorsque je quittais le village, ils incendiaient ma maison et mon étable. Ils nous ont amenés de l’autre côté de la rivière, au pied de la montagne, à environ un mille de chez moi, nous y avons retrouvé un grand nombre de nos voisins chrétiens, des hommes, des femmes et des enfants, une centaine en tout, duquel dix-neuf seront assassinés en chemin et deux seront morts de faim près de Cowass où les Sauvages nous avaient amenés durant une période de disette et de famine.

Quand nous sommes arrivés au pied de la montagne, ils nous ont enlevé nos souliers pour nous donner en échange des mocassins afin de nous préparer au voyage. Pendant que nous étions là, les Anglais ont gagné une bataille contre une compagnie demeurée au village et les ont poursuivis jusqu’à la rivière tuant et blessant plusieurs d’entre eux; toutefois, dès que le corps de l’armée fut appelé en renfort, ils ont repoussé ces quelques Anglais qui tentaient de les poursuivre.

[à suivre]

Bibliographie

The Redeemed Captive Returning to Zion, John Williams
ISBN: 9781406796414

HAEFELI, Evan et SWEENEY, Kevin. Captors and Captives : The 1704 French and Indian Raid on Deerfield. Amherst, University of Massachusetts Press, 2003.

Redeemed, in The Congregationalist, [en ligne] http://www.congregationalist.org/Archivesold/Dec_02/redeemed_power_faith_polhemus.htm (page consultée le 26 septembre 2007).

RAGOVIN, Helene, Historian explores unheard voices in brutal tale of colonial New England , [en ligne] http://tuftsjournal.tufts.edu/archive/2004/january/features/deerfield_raid.shtml (page consultée le 26 septembre 2007).

MURPHY BAUM, Rosalie et MADDOCK DILLON, Elizabeth, John Williams (1664-1729). In Houghton Mifflin, [en ligne] http://college.hmco.com/english/lauter/heath/4e/students/author_pages/colonial/williams_jo.html (page consultée le 26 septembre 2007)